La France veut en faire son atout maître pour les prochaines décennies

Quels enjeux ? quel cadre juridique ?

Un boom de l’hydrogène se prépare progressivement en Europe, les pays européennes commencent à s’y intéresser activement, montrant une forte détermination en développement des projets pilotes dans cette filière.

La stratégie de l’UE sur l’hydrogène, présentée à la Commission européenne le 9 juillet dernier, signifie une révolution non seulement dans l’approvisionnement énergétique, mais aussi dans l’économie dans son ensemble. L’objectif principal du document est de rendre l’économie de l’UE climatiquement neutre d’ici 2050. Cela signifie que les émissions de gaz à effet de serre de l’industrie européenne seront considérablement réduites (de préférence à zéro) ou seront compensées par des investissements dans des projets qui réduisent les émissions de CO2.

Pour atteindre cet objectif, l’Union européenne a l’intention de reconstruire les routes, de changer le système énergétique, les normes de construction et de réviser les priorités de la politique d’investissement. La commission prévoit notamment de soutenir l’installation d’une capacité d’au moins 40 gigawatts d’électrolyseurs dans l’Union européenne et 40 autres gigawatts dans les pays voisins qui exporteront de l’hydrogène vers l’UE de 2025 à 2030 afin d’atteindre une production de 10 millions de tonnes d’hydrogène bas-carbone.

Parmi les pays voisins, l’Ukraine ait été choisie comme partenaire prioritaire, où jusqu’à dix gigawatts d’électrolyseurs peuvent être localisés. En insistant sur une voie verte, l’UE cherche à devenir le leader mondial dans la lutte contre le changement climatique et à pousser les autres pays à prendre davantage d’actions dans le cadre de l’accord de Paris.

Cet intérêt pour l’hydrogène n’est pas récent et, au moins depuis 2015, les normes et les plans se succèdent pour fixer des objectifs de développement très ambitieux qui nécessitent une solide base juridique.

l’Union européenne s’est dotée ces dernières années de plusieurs normes qui témoignent de l’intérêt pour ce secteur, à savoir :

Règlement n°79 /2009 du 14 janvier 2009 sur l’homologation par type de véhicules à moteur fonctionnant à l’hydrogène ;

Directive 2014/94 /UE du 22 octobre 2014 sur le développement des infrastructures destinées aux carburants alternatifs (l’électricité, l’hydrogène, les biocarburants, le gaz naturel et le gaz de pétrole liquéfié) afin de réduire la dépendance des transports à l’égard du pétrole.

Aujourd’hui, le champ d’application de l’hydrogène va au-delà du transport. Les gouvernements et les entreprises travaillent ensemble sur des projets de technologies clés d’utilisation finale et de production à faible émission de carbone. Les nouveaux projets sont destinés au déploiement à grande échelle d’électrolyseurs d’une capacité allant jusqu’à 100 MW pour une utilisation dans l’industrie lourde, la production chimique, le chauffage urbain et le stockage d’énergie.

Ce changement d’orientation est particulièrement perceptible en Europe de l’Ouest, où l’Allemagne et la France sont en tête avec cette différence que l’électrolyse en France est réalisée principalement avec une électricité de source nucléaire alors qu’en Allemagne elle est essentiellement carbonnée.

Le potentiel pour de nouveaux marchés est énorme : selon les Perspectives de l’économie de l’hydrogène de Bloomberg, d’ici 2050, 24% des besoins énergétiques mondiaux seront couverts par l’hydrogène et son prix tombera au niveau des prix actuels du gaz.

Dans le scénario de développement le plus favorable, notent les experts de Bloomberg, au cours des 30 prochaines années, l’industrie attirera environ 11 billions de dollars d’investissements et les ventes annuelles d’hydrogène carburant dans le monde atteindront 700 milliards de dollars.

Le droit française comprend déjà des textes législatifs et réglementaires qui intéressent les moyens pour développer cette filière.

La loi du 17 août 2015 relative à la transition énérgetique pour la croissance verte impose à l’État de mettre en place une stratégie pour le développement d’une mobilité propre : de véhicules à faibles émissions et le déploiement des infrastructures permettant leur alimentation.

Par ailleurs, son article 37 a créé les articles L. 224-7 et L. 224-8 du code de l’environnement imposant à l’État, aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux entreprises nationales dont l’activité n’entre pas directement dans le secteur concurrentiel, d’acquérir lors du renouvellement de leur parc automobile des véhicules faiblement émetteurs, dans une proportion allant de 20 % à 50 %.

L’article 121 de cette loi appelle également le Gouvernement à remettre au Parlement un plan de développement du stockage des énergies renouvelables par hydrogène décartonné.

Des décrets en date du 11 janvier 2017 précisent la notion des véhicules à faibles émissions, qui englobent notamment des véhicules à hydrogène.

Le décret du 8 décembre 2017, implémentant la directive 2014/94/UE, stipule que les points de ravitaillement en hydrogène doivent être installés de manière à assurer la sécurité d’exploitation, l’interopérabilité et un niveau élevé de protection de l’environnement.

Les deux arrêts du 8 décembre 2017 complètent le décret mentionné précisant caractéristiques techniques d’utilisation de l’hydrogène en tant que source d’énergie pour le transport.

La loi « Hulot » du 30 décembre 2017 prévoit la mise en place d’un service comprenant la création, l’entretien et l’exploitation de points de ravitaillement en gaz ou en hydrogène pour des véhicules ou pour des navires.

Le plan hydrogène de Nicolas Hulot, présenté le 1er juin 2018, sur le déploiement de l’hydrogène pour la transition énergétique se décline sur trois axes :

la production d’hydrogène par électrolyse pour l’industrie : mise en place des dispositifs de soutien public au déploiement de cette filière, passant notamment par des appels à projets ; la création d’un système de traçabilité sur l’origine de l’hydrogène afin de pouvoir valoriser l’hydrogène décarboné qui se traduit juridiquement par un dispositif de garantie d’origine.

la valorisation de la mobilité propre en complémentarité de la filière batterie : développement des transports routiers, ferrés, fluviaux et aéronautiques fonctionnant à l’hydrogène

le recours à l’hydrogène comme élément de stabilisation des réseaux énergétiques : l’utilisation de l’hydrogène en tant que moyen de stockage des énergies renouvelables électriques. Enfin, le plan entend développer le « power-to-gaz » consistant en l’injection directe d’hydrogène dans les réseaux gaziers.

La loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (loi Énergie) où le déploiement de l’hydrogène est principalement encadré. L’article 52 de cette loi autorise le gouvernement à adopter des ordonnances afin de définir la terminologie des différents types d’hydrogène, un cadre subsidiaire applicable à l’hydrogène bas-carbone et autoriser la production, le transport, le stockage et le suivi de l’hydrogène. Il est également prévu d’introduire un dispositif de garanties d’origine pour l’hydrogène d’origine renouvelable.

Enfin, dans l’article 49 garantit le droit d’accès aux ouvrages de gaz pour les producteurs d’hydrogène bas carbone qui s’applique aux ouvrages de transport, de distribution de gaz ainsi qu’aux usines de gaz naturel liquéfié à condition du bon fonctionnement et la sécurité des infrastructures.

La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) 2019-2028, publiée le 23 avril 2020, exprime dans un décret et un rapport les principaux objectifs énergétiques ainsi que les orientations et priorités d’action des pouvoirs publics. PPE vise à améliorer la compétitivité de la filière hydrogène française en déployant des solutions à horizon 2030-2040 et fixe les objectifs suivants :

– la part d’hydrogène décarboné dans l’hydrogène industriel à 10 % d’ici à 2023, et entre 20 à 40 % d’ici 2028.

– En matière de mobilité : 5 000 véhicules utilitaires légers et 200 véhicules lourds d’ici 2023, puis 20 000 à 50 000 véhicules légers et 800 à 2 000 véhicules lourds d’ici 2028.

– concernant la puissance des démonstrateurs « power to gas » de 1 à 10 MG d’ici 2023 et de 10 à 100 MW d’ici 2028.

Enfin la Stratégie nationale pour l’hydrogène décarboné, présentée le 8 septembre 2020 repose également sur ces trois objectifs :

– l’installation d’électrolyseurs permettant d’atteindre une capacité de production d’hydrogène décarboné de 6,5 GW par électrolyse,

– le développement de mobilités propres afin d’économiser plus de 6 millions de tonnes de CO2 en 2030 et

– la construction d’une filière industrielle dédiée aux technologies de l’hydrogène.

Cette stratégie nécessite des modifications importantes du cadre juridique actuel :

i. en premier lieu, l’élaboration d’un dispositif de complément de rémunération afin de soutenir la production d’hydrogène décarboné, à la suite d’un appel d’offre, comme cela se pratique dans le secteur solaire ou éolien. La création de ce complément de rémunération nécessitera une modification du code de l’énergie, notamment de son article L. 314-19, listant les installations bénéficiant de ce dispositif ;

ii. en deuxième lieu, la mise en œuvre du dispositif de garantie d’origine qui permettra d’assurer la traçabilité de l’hydrogène décarboné et de prouver au client final qu’une part d’énergie a été produite à partir de sources renouvelables. Un tel dispositif supposera l’introduction de nouveaux articles, pris en application de l’article L. 447-1 du code de l’énergie, au sein de la partie réglementaire de ce code.

Plusieurs textes, dont une ordonnance, devraient être prochainement publiés.

SRDB possède une expertise juridique dans le domaine des énergies renouvelables et s’intéresse particulièrement à tout ce qui concerne ce nouveau marché de l’hydrogène, son environnement juridique, ses acteurs, ses projets et d’une manière plus générale son évolution.