Apparus en 2017, les NFT, « non-fungible tokens » sont une technologie aux usages divers et à fort potentiel économique, affectant plusieurs secteurs tels que l’art, la musique, les jeux vidéo, ou encore la mode. Plusieurs ventes records ont permis la révélation des NFT au grand public, telles que la vente par la Maison d’enchères Christie’s en mars 2021 de l’œuvre « Everyday’s : The first 5000 days » de l’artiste américain Beeple pour 42 329 453 d’Ethereum (ETH), soit 69,3 millions de dollars. Néanmoins, l’absence de règlementation spécifique aux NFT soulève de nombreuses interrogations.

Les non-fungible tokens, ou jetons non fongibles, sont des crypto-actifs ayant la particularité, en raison de leur non fongibilité, de garantir l’authenticité et la traçabilité des fichiers numériques auxquels ils renvoient. Concrètement, les NFT sont des jetons enregistrés dans la blockchain, opération réputée inviolable et infalsifiable, qui comportent une suite de caractères alphanumériques propres à la cryptographie ainsi que des métadonnées permettant d’identifier leur auteur et les fichiers qu’ils entendent protéger.

Le recours à la technologie des NFT et de la blockchain dans le domaine de l’art (le crypto-art) est en pleine expansion. En effet, le NFT est un certificat d’authenticité attestant de la paternité et de l’intégrité de l’œuvre. Grâce à sa clé d’identification unique, seul le détenteur du NFT peut revendiquer la possession du bien que le jeton entend protéger. L’œuvre d’art est ainsi garantie par un fichier numérique auquel renvoie le NFT.

Cependant, comme en atteste l’action portée par le Groupe de luxe Hermès au mois de janvier 2022 devant le Tribunal fédéral de Manhattan (États-Unis) contre l’artiste Mason Rothschild, l’utilisation des œuvres NFT est susceptible de porter atteinte aux éventuels droits de propriété intellectuelle du Groupe. L’enseigne reproche notamment à l’artiste, qui a commercialisé sur la marketplace OpenSea, 100 « MetaBirkins », des NFT inspirés de son célèbre modèle de sac Birkin, d’avoir porté atteinte tant à la marque du Groupe qu’aux droits d’auteur et autres droits de propriété intellectuelle attachés au sac en cause. Selon la maison de luxe, ces œuvres digitales seraient de faux produits de la Maison Hermès dans l’univers virtuel (métavers).

Pour l’heure, le Groupe Hermès, qui n’a pas encore investi dans le marché du NFT, est le premier à agir sur le terrain du métavers. A ce jour, la question n’est pas tranchée, mais les enjeux financiers liés à cette action sont considérables, l’artiste ayant vendu ses œuvres pour un peu plus d’1.1 million de dollars. La maison de luxe reproche d’autant plus à l’artiste d’avoir vendu ses NFT sous l’appellation de « MetaBirkins » en raison du caractère précieux attaché au sac emblématique Birkin, produit pouvant être vendu plusieurs centaines de milliers d’euros.

Pour sa part, l’artiste américain Mason Rothschild invoque son droit à la liberté d’expression sur le fondement du premier amendement de la Constitution des États-Unis. Comparant ses « MetaBirkins » aux Campbell’s Soup Cans d’Andy Warhol, l’artiste rétorque que rien ne lui interdit de créer et de vendre des œuvres représentant des sacs Birkin.

Rappelons que la contrefaçon se définit comme toute violation d’un droit de propriété intellectuelle, telle que la reproduction, l’imitation ou l’utilisation totale ou partielle d’une marque, d’un brevet, d’un modèle, d’un droit d’auteur, d’un logiciel, sans l’autorisation de son titulaire. Elle constitue à la fois un délit civil et une infraction pénale. Outre l’indemnisation du dommage né de son activité, le contrefacteur encourt une peine d’emprisonnement ainsi qu’une amende, accompagnées le cas échéant de peines complémentaires comme la confiscation ou de la destruction des objets contrefaisants.

En l’espèce, l’autorité judiciaire pourrait condamner l’artiste et enjoindre la confiscation, voire la destruction des fichiers numériques liés aux « MetaBirkins » jugés contrefaisants. Cette destruction qui porterait sur le fichier numérique que le NFT entend protéger aurait pour effet de lui faire perdre toute valeur marchande, puisque vidé de sa substance.

D’une manière générale, si à l’avenir, la condamnation d’un artiste d’œuvres NFT pouvait être retenue pour des faits de contrefaçon, qu’en est-il de celui ayant acquis ou revendu sur la blockchain l’objet contrefaisant ?

En définitive, l’émergence des NFT fait apparaitre de nouveaux enjeux juridiques jusqu’à présent non appréhendés par les pouvoirs législatif et judiciaire. Un règlement européen sur les marchés de crypto-actifs est pour l’heure en examen devant les institutions européennes, mais celui-ci semble exclure les NFT du projet.